Les premiers thésards

A l’automne 1953, Jacques Blamont revient au laboratoire pour la thèse, (il avait commencé, comme « diplomitif » avec la photométrie crépusculaire du sodium, un sujet relevant de la première partie de la carrière de Kastler, mais qui l’entraînera loin par la suite). Il se voit confier une des premières applications annoncées de la double résonance : l’étude de l’effet Stark dans l’état excité du mercure (modification des niveaux d’énergie de l’atome soumis à un champ électrique intense). L’alimentation de 50kV, nécessaire à la création de champ électrique, lui procurera bien des soucis, en provoquant souvent des décharges meurtrières pour ses cellules à vapeur de mercure. Mais cela ne retardera pas sa thèse d’état soutenue en 1956, après laquelle il retournera à ses premières amours en faisant éjecter des nuages de sodium dans la haute atmosphère par les premières fusées françaises à Colomb-Béchar ; et sa trajectoire scientifique sera définitivement projetée dans le spatial.
Début 1955, c’est Jacques Winter qui revient comme thésard, accompagné d’un camarade de promotion : Jean-Claude Pebay-Peyroula. Jacques Winter reprend le problème théorique des transitions à multiples quanta, où l’atome absorbe simultanément plusieurs photons de radiofréquence. Il identifie deux types distincts parmi ces transitions, et vérifie expérimentalement leurs propriétés calculées. Ses premières expériences furent effectuées sur le jet atomique ; mais les formes de raies complexes observées sur jet rendaient l’interprétation difficile, et conduisirent à l’abandon du jet pour un nouveau montage avec une cellule de vapeur. Après sa thèse, en 1958, il partira dans le groupe d’Anatole Abragam au C.E.N de Saclay et terminera sa carrière comme chef d’un département au C.E.N de Grenoble, après un passage de quelques années à la direction scientifique du CNRS. On notera que les relations avec le groupe Abragam, nées dans les sous-sols de la rue Lhomond, où il était hébergé provisoirement par Y. Rocard, se poursuivirent quand il fut installé dans ses locaux propres au CEN de Saclay. On se souvient de Kastler emmenant à Saclay, chaque semaine dans sa voiture, quelques thésards de son groupe pour y suivre un cours d’Abragam.
Simultanément, J.C Pebay-Peyroula essayait d’exploiter une des idées annoncées dans l’article de 1949 : l’excitation des atomes par un bombardement directif d’électrons de vitesses parallèles crée de l’anisotropie entre les sous-niveaux excités, en favorisant certaines orientations des moments cinétiques atomiques, de la même façon qu’une irradiation lumineuse directive et polarisée ; ceci permet d’étendre les mêmes études à un grand nombre de niveaux, que l’on ne sait pas exciter optiquement. La mise au point des tubes électroniques adaptés à ces expériences fut un travail délicat ; mais elle permit de récolter de nombreux résultats. Après sa thèse en 1959, Pebay-Peyroula exporte cette technique à l’université de Grenoble, où il deviendra directeur de l’important laboratoire de Spectrométrie Physique.