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Le Monde met en avant une expérience du LKB sur le principe d’exclusion de Pauli

Electrons, protons et neutrons sont les principaux éléments constitutifs de la matière qui nous entoure. Ils ont un point commun : ce sont des fermions. Les fermions sont des particules dotées d’une propriété particulière : il est impossible d’en trouver deux au même endroit. Ce concept est appelé principe d’exclusion de Pauli, du nom du célèbre physicien Wolfgang Pauli, qui a formulé ce principe il y a exactement un siècle, ce qui lui a valu le prix Nobel vingt ans plus tard. Cette règle est au cœur de la mécanique quantique et est essentielle pour comprendre le monde qui nous entoure. Elle empêche la matière de s’effondrer, explique les propriétés des semi-conducteurs et dicte la structure de la classification périodique. Cependant, le principe d’exclusion de Pauli est précisément ce qui rend les fermions si difficiles à comprendre pour les physiciens.
Dans une étude publiée le 5 mai 2025 dans Physical Review Letters [1], une équipe de chercheurs dirigée par Tarik Yefsah au Laboratoire Kastler Brossel à Paris a révélé les images les plus claires jamais réalisées de l’exclusion de Pauli en action. Ils ont utilisé des nuages de centaines d’atomes de 6Li – qui sont des fermions – refroidis à des températures proches du zéro absolu. Ces basses températures renforcent les propriétés quantiques des particules, rendant le principe d’exclusion de Pauli plus évident. L’équipe a utilisé une technique qu’elle a récemment mise au point pour imager les ondes quantiques [2]. En laissant d’abord les atomes évoluer librement dans l’espace, puis en les immobilisant dans un réseau optique, des cages microscopiques régulièrement espacées faites de lumière laser, les scientifiques ont pu directement prendre une photographie du système fermionique, en enregistrant la position de chaque atome. Cela a directement révélé le principe d’exclusion de Pauli, car ils ont vu que les atomes s’évitaient les uns les autres.
Dans le système qu’ils ont étudié, l’exclusion de Pauli était le seul moyen pour les atomes d’interagir entre eux. Cela leur a permis de révéler ses effets de la manière la plus pure qui soit. L’équipe a notamment examiné les corrélations entre les positions de deux et trois particules, révélant la forme du « trou de Pauli », c’est-à-dire l’effondrement du nombre de paires et de triplets d’atomes se trouvant à courte distance les uns des autres. Si deux particules ont tendance à s’éviter, trois particules de ce type ont également peu de chances de se retrouver proches, comme l’ont clairement révélé les mesures de l’équipe. Cela peut sembler trivial, mais chaque couche de complexité peut révéler de nouvelles règles physiques. Dans les systèmes composés de centaines de particules – ou même de billions de billions de particules, comme dans un gramme de métal – cette complexité peut conduire à des phénomènes émergents telles les transitions de phase. Grâce à leur technique, les chercheurs peuvent directement étudier le niveau de complexité requis pour expliquer la physique du système : les interactions entre deux particules sont-elles dominantes ? Entre trois particules ? Ou même plus ?
L’équipe a déjà appliqué sa technique à des fermions en interaction forte [3], où le principe d’exclusion de Pauli est en concurrence avec les collisions de particules. Ces systèmes constituent l’un des problèmes les plus difficiles de la physique moderne. En étant capable de prendre des images directes de leurs propriétés en laboratoire, leur méthode leur permettra de mesurer le comportement de systèmes fermioniques complexes que même les superordinateurs les plus puissants ne peuvent pas calculer.
Ce travail a été sélectionné comme Editor’s Suggestion dans Physical Review Letters. Il a fait l’objet d’un Viewpoint dans la revue Physics [4] et de la couverture de Physical Review Letters avec deux études reliées menées au MIT. Il a récemment fait l’objet d’un article dans le journal Le Monde https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/06/04/qui-se-ressemble-quantiquement-s-assemble-etrangement_6610502_1650684.html?search-type=classic&ise_click_rank=1 .
References
- T. de Jongh et al., Quantum gas microscopy of fermions in the continuum, Physical Review Letters, 134 (18), 183403 (2025)
- J. Verstraten et al., In Situ Imaging of a Single-Atom Wave Packet in Continuous Space, Physical Review Letters, 134 (8), 083403 (2025)
- C. Daix et al., Observing Spatial Charge and Spin Correlations in a Strongly-Interacting Fermi Gas, preprint arXiv:2504.01885
- M. Parish, A Glimpse at the Quantum Behavior of a Uniform Gas, Physics, 18, 89 (2025)